L’autre soir, j’organisais un barbecue chez moi pour fêter la fin de l’été. Pendant la soirée, je me rapproche d’un ami qui cherche à acheter un logement. Je lui demande dans quelle étape de sa recherche il se trouve, et la conversation s’engage.
« Euh, je pense que je vais attendre un peu. Je pense qu’avec le COVID, les prix vont peut-être baisser », me dit-il
« Malheureusement pour toi, je ne crois pas » lui dis-je
« Ah bon ? Tu ne dirais pas ça car en tant que promoteur tu as intérêt à ce que les prix montent ? »
« Non, paradoxalement si les prix montent ce n’est pas une bonne nouvelle pour moi. Parce ce que du coup cela veut dire que je ne fais pas de nouveaux projets. »
« Ah bon ? Je ne comprends pas bien là. »
« Je vais essayer de t’expliquer », repris-je. « Pour construire des nouveaux logements, il y a 5 éléments à prendre en compte : un terrain, de l’argent, des entreprises qui construisent, des clients qui achètent et une autorisation de la mairie pour le faire. Tu vois, si une des éléments se grippe, c’est l’ensemble de la chaîne qui se grippe », lui expliquai-je
« OK mais du coup quel élément pose problème ? Ce ne peut pas être les clients qui achètent, je vois autour de moi, je ne suis pas le seul à chercher. »
« Effectivement, beaucoup de personnes cherchent à acheter, les banques jouent le jeu et prêtent de l’argent aux acquéreurs. »
« J’imagine qu’elles prêtent aussi aux promoteurs du coup, non ? »
« Oui en effet », lui dis-je.
« Je n’ai pas l’impression que les terrains manquent » continue-t-il, « j’en vois à vendre dans les vitrines des agences. Et je n’ai pas l’impression non plus qu’il manque d’entreprises de construction. »
« Non en effet, le problème n’est pas là », répondis-je, amusé.
« Alors ou est-il ? Tu m’as dit qu’il y avait 5 éléments et il ne reste que la mairie. Or la mairie ne peut pas être responsable : l’État met en place tout un tas de mesures pour construire davantage. J’ai même vu qu’ils allaient distribuer des subventions pour les mairies qui construisent des logements. »
« Oui », répondis-je. « Mais tu confonds État et mairies. Gouvernement national et collectivités locales. Le premier a intérêt à construire, l’autre pas forcément. »
« Pourquoi donc ? »
« Regarde autour de toi ces maisons. Tu aimerais qu’à côté vienne se construire un grand immeuble ? Que nous ayons d’un coup plein de voisins qui nous surplombent, qu’on ne puisse plus voir le coucher du soleil ? »
« Euh, non »
« Eh bien on est tous pareils. Nous citoyens avons pris l’habitude d’aller nous plaindre à la mairie si un projet de construction menace notre environnement. »
« Mais quoi, il n’y a pas des règles qui encadrent la construction ? Le PLU ça s’appelle, non ? »
« Oui, mais dans la réalité, à la fin c’est la mairie qui décide ce qu’elle veut » répondis-je.
« Tu veux dire qu’elle peut te refuser une autorisation même si ton projet est conforme aux règles du PLU ? »
« Oui. Car un certain nombre de règles sont floues, elles peuvent être interprétées de différentes manières. Et la mairie utilisera l’interprétation qui lui conviendra pour refuser ton projet. »
« Ah d’accord. Donc la mairie peut faire quasiment ce qu’elle veut. »
« Oui »
« Et du coup toi tu vas voir la mairie, tu lui dis que tu ne veux pas d’un projet près de chez toi, et elle t’écoute ? »
« Oui, car on sait bien que les maires qui bâtissent ne sont pas populaires en général, et qu’ils risquent de perdre les élections. Et le maire n’est pas bête, à l’approche des élections il ne veut pas risquer quoi que ce soit. »
« Et comme cela on peut relativement facilement bloquer les projets en période électorale » résume-t-il.
« Voilà »
« Mais quel est le lien avec la hausse des prix ? »
« Eh bien, les prix de l’immobilier ne sont que le résultat de l’offre et de la demande, et s’il y a beaucoup de demande – c’est-à-dire de personnes qui veulent acheter – mais peu d’offre – c’est à dire de projets qui se construisent, les prix progressent mécaniquement. Et c’est précisément ce qui est en train de se passer. »
« Donc en fait, c’est un peu nous tous qui sommes responsables de la hausse des prix ? », dit mon ami en souriant
« En quelque sorte », répondis-je.
« Voilà encore une de nos contradictions », conclut-il en rigolant. « Nous nous indignons de la hausse des prix des logements mais nous en sommes à l’origine. Je ne l’avais pas vu sous cet angle ».
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