L’immobilier est devenu la dernière tendance du crowdfunding. Dans les plateformes généralistes, les investisseurs se détournent de plus en plus de l’investissement dans le capital des startups pour se diriger vers l’immobilier qui leur parait plus sûr, car plus facile à analyser (on connaît tous plus ou moins l’immobilier), de cycle plus court (18 à 36 mois vs. 36 mois mini pour les startups) et, souvent,  avec une promesse de rendement à la clé (vs. une part de capital, au futur plus aléatoire, pour les startups). Certaines plateformes, initialement sur le créneau des startups, ont compris cette évolution : des investisseurs déjà présents et demandeurs d’une part, des promoteurs cherchant du financement d’autre part – il n’y a plus qu’à faire l’intermédiaire. En tant qu’investisseur rationnel, qu’en penser ?

Le crowdfunding immobilier n’est pas un nouveau métier

Le métier des plateformes est clair : des investisseurs prêtent de l’argent à un instant T en espérant en avoir un peu plus à un instant T+1. En tant que plateforme, notre travail est de faire en sorte que cela se passe ainsi. Cette activité a un nom : c’est de l’investissement. Et puisque le sous-jacent est immobilier, c’est donc de l’investissement immobilier. Les plateformes de crowdfunding n’ont qu’une nouveauté : elles collectent les sommes en ligne. Le crowdfunding immobilier est donc un vieux métier, avec de nouveaux moyens.

Pour l’illustrer, je ne résiste pas à l’envie de vous montrer cette publicité, trouvée dans un Paris Match de décembre 1970 :

crowdfunding immobilier

On y lit notamment :

Devenez propriétaires d’immeubles de rapport. Propriétaire-Associé avec les 5000 autres associés du Patrimoine Foncier. Avec vos 1000f, vous achetez une part entière d’immeubles loués à des sociétés importantes.

[…] C’est l’épargne sûre : celle dont le capital et les revenus montent en même temps que les prix […].

C’est exactement ce que font certaines plateformes de crowdfunding immobilier aujourd’hui ! Elles vous proposent d’acheter à plusieurs des biens pour en partager les loyers. Ce n’est plus un bon que vous devez détacher et renvoyer, vous investissez via le site Web, mais le principe est le même.

Le crowdfunding immobilier n’est donc ni plus ni moins que de l’investissement. De quels réflexes l’investisseur rationnel doit-il donc faire preuve ?

Certaines plateformes respectent les bonnes pratiques … pour elles

Pour connaître les bonnes pratiques en investissement, pourquoi ne pas demander au maître en la matière, Warren Buffet ? Dans plusieurs ouvrages qui lui sont consacrés, il explique sa règle n°1 : « Never lose money » (Ne jamais perdre d’argent). Et poursuit avec sa règle n°2 : « Never forget rule n°1 » (Ne jamais oublier la règle n°1).

A ce stade, nous devons faire une pause pour étudier les modes de rémunération des 3 principales plateformes de crowdfunding immobilier en capital en France : Lymo, Plateforme A et Plateforme B.

Type de rémunération Lymo Plateforme A Plateforme B
Frais facturés aux porteurs de projet NON OUI OUI
Frais facturés à l’investisseur NON NON OUI
Vente des biens immobiliers OUI NON NON

 

De par leur modèle d’intermédiation pure entre investisseurs et porteurs de projet, Plateforme A et Plateforme B se rémunèrent soit en prélevant une commission à l’un, soit à l’autre, soit aux deux. Lymo a un modèle particulier, puisque il ne finance que ses propres projets qu’il développe lui-même en tant que promoteur, et se rémunère uniquement en vendant des biens, ce qui lui permet de dégager une marge, et en retour rembourser ses investisseurs.

Voyez-vous où je veux en venir ? Plateforme A comme Plateforme B vont gagner de l’argent quelle que soit la réussite du projet immobilier. Elles appliquent à la lettre le conseil de Warren Buffet pour leurs propres intérêts. Mais où est donc l’alignement d’intérêt entre elles et leurs investisseurs ?

Conclusion

Les plateformes de crowdfunding sont souvent catégorisées comme des fintech, dans le sens où elles sont à l’intersection de la finance et de la technologie. Comme nous venons de le démontrer, notre devoir est d’être plus « fin » que « tech », car là réside la difficulté : il est plus dur de rembourser des investisseurs avec le rendement élevé promis que de créer une outil informatique dédié à la collecte. Alors, la prochaine fois avant d’investir posez-vous la question : la plateforme vous semble-t-elle plus« fin » ou « tech » ?